ASH‘ARISME

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L’ash‘arisme est l’école dont l’influence fut prépondérante pendant des siècles (Xe-XIXe s.) en ‘ilm al-kal m , c’est-à-dire dans la théologie, ou, mieux peut-être, dans l’«apologie défensive» de l’islam sunnite. Elle fut fondée par Ab l- ネasan al-Ash‘ar 稜 (260-324 de l’hégire/873-935), transfuge du mu‘tazilisme. Elle entendit défendre contre les mu‘tazilites l’absolue toute-puissance de Dieu, la réalité des attributs divins et le Coran incréé. Les thèses soutenues varient quelque peu selon les auteurs (ainsi au sujet de la définition de la foi). On peut dire cependant qu’un consensus d’école affirme que Dieu est «créateur du mal comme du bien», qu’Il crée les actes de l’homme, bons ou mauvais. L’efficace des causes secondes et le fondement ontologique du libre arbitre humain (ikhtiy r ) sont récusés. L’homme n’«acquiert» de ses actes qu’une «attribution » (kasb , iktis b ), qui est créée en lui par Dieu et qui le rend juridiquement responsable, apte à recevoir récompense ou châtiment. Un acte n’est pas «bon» ou «mauvais» en soi, c’est la Loi révélée qui le rend tel, et tout est soumis au décret prédéterminant (qadar wa qa ボ ’ ) de Dieu. La note dominante de l’école fut un absolu volontarisme divin. La raison n’est plus le critère de la Loi religieuse comme dans le mu‘tazilisme, elle est à son service. Elle doit s’exercer cependant à défendre la Loi. Les arguments rationnels ont en cela un rôle capital à jouer. De ce point de vue, et bien que s’opposant au mu‘tazilisme, l’ash‘arisme en reprit pour une large part la problématique, les termes techniques, les modes d’argumenter. Al-Ash‘ar 稜 avait proclamé sa vénération pour le grand traditionniste Ibn ネanbal. Mais les ムanbalites, qui se refusent à toute rationalisation des données de foi, s’opposèrent aux ash‘arites comme aux mu‘tazilites, et à l’entreprise même du ‘ilm al-kal m .

Il y eut au cours des siècles des écoles et tendances ash‘arites. Les prises de position successives et, surtout, les modes de raisonnement furent parfois très différents de ceux du fondateur. On peut distinguer: tout d’abord la génération des premiers disciples (Ve s. de l’hégire/XIe s.), B qill n 稜, ‘Abd al-Q hir al-Baghd d 稜, Ab l-Q sim al-Isfar ’in 稜, Baylaq 稜, Juwayn 稜. En deuxième lieu, à partir de Ghazz l 稜 (Ve-VIe s./XIe-XIIe s.) et déjà peut-être à partir de son maître Juwayn 稜, ceux qu’Ibn Khald n appellera les «Modernes» — Shahrast n 稜, contemporain de Ghazz l 稜; Fakhr al-D 稜n al-R z 稜 (VIe-VIIe s./XIIe-XIIIe s.); ‘Ad d al- 壟j 稜 (VIIIe s./XIIe s.); Jurj n 稜 (VIIIe-IXe s./XIVe-XVe s.) — et qui, s’opposant aux «philosophes hellénistiques de l’Islam» (Fal sifa ), c’est-à-dire F r b 稜 et Ibn S 稜n (Avicenne), ne sont pas sans leur emprunter certains de leurs arguments et des modes de raisonner venus de la logique aristotélicienne. Arrivent enfin, à partir du XVe siècle de l’ère chrétienne, au temps que l’on peut dire de «conservatisme figé», pour reprendre l’expression de G. C. Anawati, les auteurs de manuels stéréotypés qui formulent inlassablement les thèses générales de l’école, spécialement la négation des causes secondes et du libre arbitre humain — San s 稜 de Tlemcen (IXe s./XVe s.), Laq n 稜 (Xe-XIe s./XVIe-XVIIe s.), B j r 稜 (XIIIe s./XIXe s.). Cet ash‘arisme quelque peu sclérosé et durci eut sa responsabilité dans ce qu’on appela abusivement «le fatalisme de l’islam» (cf. l’affirmation de B j r 稜: «L’homme est contraint en réalité, libre en apparence.»).

Les grands traités ash‘arites des deux premiers groupes se préoccupent volontiers d’une vision philosophique du monde et utilisent pour ce faire deux thèses d’origine mu‘tazilite. Les uns, pour mieux magnifier l’absolue inaccessibilité de Dieu, se réfugient dans un pur occasionnalisme fondé sur une explication atomistique et discontinue des choses. Les autres adoptent la théorie semi-conceptualiste des «modes» (a ムw l ), intermédiaires (dans l’esprit) entre l’existant et le non-existant. L’école dite des «Modernes» alourdira toujours plus ses préambules philosophiques, au gré de discussions sans cesse recommencées, jusqu’à susciter une sorte de genre mixte, participant à la fois du ‘ilm al-kal m et de la falsafa .

Pendant longtemps, la ligne ash‘arite put être considérée comme étroitement liée à l’islam. Une ligne parallèle et minoritaire, à la fois plus intellectualiste et plus psychologique, celle des tendances ムanafites-m tur 稜dites, n’en resta pas moins admise. De nos jours, les méandres dialectiques des discussions et la négation du libre arbitre humain ne sont pas sans provoquer quelque méfiance à l’égard de l’héritage ash‘arite. Mais plus profondément, c’est le statut épistémologique du ‘ilm al-kal m comme science éminente qui fait problème dans le monde islamique moderne.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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